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Mystérieux récupients

Publié le 21 février 2023

À la suite de l’exposition « Australie – Le Havre, l’intimité d’un lien » présentée du 5 juin au 7 novembre 2021, le Muséum d’histoire naturelle du Havre a été sollicité par le Musée du quai Branly – Jacques Chirac pour participer à une étude sur un étonnant récipient de Tasmanie. Analyses à la lumière blanche, UV, rayons X, infrarouge ... on vous emmène dans les coulisses d'une enquête patrimoniale étonnante.

Quand le contemporain rencontre l’ancien

Parmi les centaines de dessins, taxidermies et objets présentés au sein du parcours d’exposition, trois petits sacs en algues ont en effet particulièrement retenu l’attention. Réalisés à la demande du Muséum en 2020 par l’artiste tasmanienne Verna Nichols, ces récipients ont été réalisés à partir des dessins de Charles-Alexandre Lesueur, lui-même ayant observé et dessiné de tels objets 200 ans plus tôt (Voyage de découvertes aux terres australes, 1800-1804). Un véritable lien artistique et culturel, entre le contemporain et l’ancien.

C’est ce qui a suscité un vif intérêt chez Stéphanie Leclerc-Caffarel, responsable des collections Océanie au musée du quai Branly – Jacques Chirac. Avec la récente réattribution d’un sac en algue de Tasmanie de 1792 au sein de leurs collections, le musée du quai Branly conserve ainsi « le sac en algue le plus ancien connu et l’un des plus vieux objets au monde conservés dans un musée pour l’Australie toute entière ». (Leclerc-Caffarel et al., 2020).

C’est dans ce contexte qu’est née la volonté de mieux comprendre la composition et la réalisation de ces récipients historiques et modernes, à travers une étude de comparaison de différents sacs en algue, depuis leurs techniques de fabrication jusqu’à leurs matériaux.

Objet emblématique de la culture aborigène de Tasmanie

Identifié comme un sac à eau, ces contenants sont uniques au monde. Leur forme si particulière, façonnée par de grandes algues laminaires appelées « bull kelp », permettait aussi bien la collecte, le transport que la consommation d’eau par les groupes autochtones de Tasmanie. Devenus depuis quelques années des objets emblématiques de la culture tasmanienne, ces objets contemporains en kelp se font de plus en plus nombreux au sein des plus grands musées australiens. (Leclerc-Caffarel et al., 2021).

LA SCIENCE AU SERVICE DU PATRIMOINE

Les trois récipients du Muséum du Havre réalisés en 2020 ont pu être analysés ainsi que trois récipients historiques provenant du British Museum, du musée du quai Branly, et d’une collection privée à Canberra.

Plusieurs méthodes d’analyses ont été employées :

  • L’observation sous microscope numérique et lumière blanche
    Le microscope numérique permet de noter toutes les caractéristiques extérieures visibles sur les échantillons (aspect, structure, particularités en surface…). Des observations à l’œil nu ont également été menées, telles que l’examen de la transparence des sacs à la lumière blanche (couleurs, opacité) et l’observation sous lumière ultraviolet (UV).

  • La spectroscopie Infrarouge à transformée de Fourier (FTIR)
    Cette technique permet de mesurer la quantité de lumière absorbée par un échantillon en fonction d’une longueur d’onde donnée. Les bandes d’absorption visibles sur le spectre sont alors révélatrices des différents types de molécules présentes au sein de l’échantillon.

  • La spectrométrie de fluorescence des rayons X (XRF)
    Cette technique d’analyse utilise quant à elle, une propriété physique de la matière : la fluorescence de rayons X. Lorsque l’on expose des rayons X sur de la matière, cette dernière va réémettre de l’énergie sous la forme, entre autres, de rayons X : c’est la fluorescence X. Le spectre alors émis par la matière, est caractéristique de la composition de l’échantillon. En analysant ce spectre, on peut en déduire sa composition élémentaire, c’est-à-dire les éléments chimiques présents et leur concentration.

Le rapport d’analyse réalisé par le Pôle Conservation-Restauration du Patrimoine des collections du musée du quai Branly a permis de confirmer l’usage d’algues locales pour la réalisation de ces récipients à eau. Des analyses complémentaires permettraient d’apporter des informations concernant l’ADN de ces échantillons et enrichir notre connaissance scientifique sur la composition de ce patrimoine culturel ancien (DAHER Céline, 2022).

En outre, des investigations autour de la technique de fabrication des contenants pourraient permettre de mieux comprendre l’utilisation et la transformation de l’algue, ainsi que sa mise en forme en vue de son usage de transport de liquide.

Consulter l'article qui résulte de l'atelier.

Article rédigé à partir du rapport d’analyses du pôle conservation-restauration du musée du quai Branly – Jacques Chirac.

Sincères remerciements aux équipes du Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Céline Daher et Stéphanie Leclerc-Caffarel, le British Museum et le Tasmanian Museum and Art Gallery.

BIBLIOGRAPHIE - références - pour aller plus loin

  • DAHER Céline, 2022. Rapport d’analyses interne, Pole Conservation-Restauration, Département du Patrimoine et des Collections, musée du quai Branly - Jacques Chirac.
  • Leclerc-Caffarel Stéphanie, Servain-Riviale Frédérique et DAHER Céline, 2020. Un extraordinaire objet de Tasmanie, Jokkoo #36, Les amis du quai Branly-Jacques Chirac, p12-15.
  • Leclerc-Caffarel Stéphanie, Servain-Riviale Frédérique et DAHER Céline, 2021. Le plus vieux récipient en algue de Tasmanie conservé au monde, musée du quai Branly-Jacques Chirac. (www.quaibranly.fr/fr/collections/vie-des-collections/actualites/le-plus-vieux-recipient-en-algue-de-tasmanie-conserve-au-monde/)
  • Leclerc-Caffarel Stéphanie & Servain-Riviale Frédérique, 2021. Un contenant en algue de Tasmanie de l’expédition d’Entrecasteaux (1791-94) identifié au musée du quai Branly – Jacques Chirac, Journal de la Société des Océanistes, p152 | 2021, 155-168.

Muséum d’histoire naturelle du Havre (2023)
© Crédits photos, Cléa HAMEURY - Muséum d’histoire naturelle du Havre